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alt   Gériatrie : le crépuscule des vieux ?

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« Vieillissant, je ne me dis pas que les promenades en bord de mer seront de moins en moins nombreuses mais je me dis que les attaques de la nostalgie vont se faire de plus en plus fréquentes. Et c’est normal car j’ai plus de passé que d’avenir, donc dans l’équilibre de mon psychisme, il y a davantage de choses faites que de choses à faire. La tentation est grande de se laisser rattraper par le souvenir. Mais je veux encore me fabriquer des moments et non pas en revivre. Le jour où je vais disparaître, j’aurai été poli avec la vie car je l’aurai bien aimée et beaucoup respectée.

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Je n’ai jamais considéré comme chose négligeable l’odeur des lilas, le bruit du vent dans les feuilles, le bruit du ressac sur le sable lorsque la mer est calme, le clapotis. Tous ces moments que nous donne la nature, je les ai aimés, chéris, choyés. Je suis poli, voilà. Ils font partie de mes promenades et de mes étonnements heureux sans cesse renouvelés.

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Le passé c’est bien, mais l’exaltation du présent, c’est une façon de se tenir, un devoir. Dans notre civilisation, on maltraite le présent, on est sans cesse tendu vers ce que l’on voudrait avoir, on ne s’émerveille plus de ce que l’on a. On se plaint de ce que l’on voudrait avoir. Drôle de mentalité !
Se contenter, ce n’est pas péjoratif. Revenir au bonheur de ce que l’on a, c’est un savoir-vivre.

Promenades en bord de mer et étonnements heureux de Olivier de Kersauson.

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Le point de vue du psycho-sociologue :

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Le vieillissement commence dès le milieu de la vie, lorsque le temps qui reste à vivre devient plus court que celui qui a été vécu. Le sujet est alors dans un processus de décroissance au cours duquel il est soumis à un mouvement pulsionnel inverse de celui qu’il a rencontré au cours de l’adolescence. L’arrivée inéluctable de la mort dans la scène mentale provoque une crise. Au cours de la jeunesse et de la vie adulte, nous pouvons espérer que nous finirons bien par obtenir ce que nous désirons. Désormais, ce qui n’a pas été vécu perd régulièrement ses chances de l’être encore : si le désir n’a pas d’âge, les moyens de sa réalisation en ont un !

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Le sujet de la soixantaine note que sa mémoire est moins brillante qu’avant, le vocabulaire est moins facile à trouver, la créativité et les associations de mots s’appauvrissent insidieusement. Le sujet masque la baisse de vitalité mentale par la réutilisation de son capital de connaissances, voire par la répétition. La meilleure façon de conserver une certaine jeunesse mentale est d’entretenir sa capacité à forger des représentations nouvelles, notamment des représentations de soi (remise en question personnelle ?).

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Le fantasme d’éternité consiste à se comporter comme si la mort était évitable, voire n’existait pas (Medorrhinum). Dans la mythologie occidentale récente, Faust incarne un désir de renaître plus intense que la sagesse de la connaissance. Pour le sujet vieillissant, l’arrivée de l’irréversible sur la scène mentale induit un sentiment de déclin. L’homme redevient ce qu’il n’a en réalité jamais cessé d’être : un sujet temporaire, invité à trouver dans la passivité le plaisir qu’il perd en activité.

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Une des conditions de la réussite du vieillissement psychique passe d’abord par la capacité à investir le féminin que chacun porte en soi, comme source de satisfaction. La seconde condition passe par le sentiment d’être utile : la transmission des connaissances d’une génération à l’autre est aussi une forme de vie affective et mentale. Le vieillissement réussi consiste à abandonner des prétentions antérieures pour en investir de nouvelles, à la mesure des capacités restantes.

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D’autant que le corps ne suit plus et ramène sans cesse l’esprit au douloureux constat d’une autonomisation progressivement réduite, source de troubles narcissiques qui s’enkysteront. L’abaissement du seuil émotif accroît le sentiment de vulnérabilité du sujet vieillissant. Pour lutter contre le sentiment douloureux de déchéance, l’aptitude à forger de soi une image digne, comptant à ses propres yeux comme aux yeux des autres, est généralement la solution la plus efficace.

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Vouloir aider et soigner les personnes âgées nécessite de connaître la gravité et la multiplicité des maladies somatiques, de tenir compte de l’extrême fréquence des troubles psychiques, de se préoccuper des conditions de vie sociale des « vieux », du rôle que leur réserve la société et les institutions dans lesquels ils peuvent être appelés à vivre. L’espérance de vie en Europe est à présent de 77 ans en moyenne (73 pour les hommes / 81 pour les femmes). En 2020 les plus de 60 ans représenteront 25% de la population (deux cotisants pour un retraité !).

Ce processus de vieillissement passe par trois phases, l’âge biologique et chronologique ne coïncidant pas toujours (rôle des facteurs innés et acquis). En pratique, c’est le critère d’utilité sociale qui dicte les étapes de l’avance d’âge :

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1 – Les « jeunes retraités » (de 60 à 75 ans) qui représentent actuellement les ¾ des personnes âgées. C’est la « vieillesse active » avec seulement 30% d’isolés. Le déclin des fonctions mnésiques est un symptôme précoce de vieillissement. A cet âge, 94% vivent à leur domicile et 75% suivent un traitement médical continu (pas toujours bénéfique !). C’est le moment ou l’on observe les pathologies cardio-vasculaires, les maladies digestives et certains cancers.

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2 – Le « 3ème âge » (de 75 a 85 ans) où le sujet fait l’expérience de la maladie avec invalidité (handicaps), de la solitude (deux fois plus de veuves que de veufs).

  • Le rôle de l’aide ménagère et des soins à domicile est alors important,
  • Certains optent pour des « foyers-logements » ou des maisons de retraite, pour cause de solitude en milieu rural ou d’insécurité en ville.
  • L’hospice (personnes âgées malades) est directement rattaché aux hôpitaux. Le patient y arrive souvent après une hospitalisation (maladie ou chute). II existe des maisons spécialisées pour les démences (longs séjours).

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3 – Le « 4ème âge » (à partir de 85 ans) ou l’on observe un homme pour trois femmes. 1/4 d’entre eux vivent chez leurs enfants, les autres sont en domicile privé (avec aide ménagère ou tierce personne, selon la « grille nationale de dépendance ») ou dans les institutions (vues plus haut). A cet âge, un vieillard sur trois seulement peut encore marcher plus d’un kilomètre. La télévision par ses aspects reposant et distrayant occupe alors une partie importante de leur temps. Les chutes et les accidents domestiques sont un facteur important de mortalité à cet âge, elles sont favorisées par les atteintes rhumatismales et neurologiques.

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Évaluation du problème rencontré :

Le praticien doit faire la part entre l’état objectif actuel (majoré de plaintes, de souffrances, d’appels à l’aide) et l’existant antérieur. L’appareil psychique évolue beaucoup plus par crises successives que de façon linéaire. Le soutien psychologique est importante à ce stade, permettant la mise en ordre des pensées du sujet, ainsi que l’évaluation de ses ressources. Deux questions doivent préoccuper le praticien :

  • « Pourquoi ? » … comprendre la fonction pour accepter la situation,
  • « Quel est l’enjeu ? » … renvoie à la structure de la personnalité.

C’est dans la façon de gérer le présent que des différences importantes se font jour entre les individus : selon leur aptitude à transformer le présent en plaisir (aussi bien direct que sublimé) les sujets âgés trouvent dans la vieillesse les dernières chances offertes par la vie. Pour se faire, il faut que le sujet :

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A – conserve assez de plaisir à vivre … ce qui implique l’estime de soi (narcissique) difficile à maintenir, quand on a perdu à ses propres yeux une partie de ses qualités, de son attrait. Le grand âge correspond toujours en une perte d’objet d’amour. Face aux réajustements imposés par le vieillissement, le sujet adoptera diverses positions :

* 1 – la rigidité = conformisme, surinvestissement du connu (obsessionnalité) comme rempart contre l’inconnu, l’irruption de l’inattendu (Medorrhinum, Carcinosinum). Les nouvelles idées ne sont adoptées que dans la mesure où elles renforcent les anciennes (Kalium carbonicum).

* 2 – la dénégation = décalage entre le fait perçu et la réalité : le Moi oublie ce qui le dérange (sujet à base tuberculinique ou luétique). Le déni est une défense contre la réalité extérieure, il est psychotique par essence (refus de reconnaître une perception), le clivage entre le bon et le mauvais se rigidifie (Anacardium (am), Aurum), le cloisonnement mental se renforce et peut conduire à l’ignorance d’une partie de soi. Actes manqués et dénis sont tour à tour opposés à l’interlocuteur : « J’ai été prise par une vieillesse inattendue « .

* 3 – la régression = ne pouvant se garantir contre des dangers extérieurs, le sujet cherche des satisfactions pour l’aider à vivre. Des pulsions partielles s’expriment alors : sensibilité à la flatterie de certains vieux messieurs (Lycopodium) la chasse aux médailles, retour d’un intérêt soutenu pour l’argent (Arsenicum), les plaisirs de la table (Antimonium crudum, Calcarea carb.), l’utilisation de troubles somatiques (ex.: hypochondrie intestinale) pour éviter un conflit non résolu (Argentum nitricum).

* 4 – l’adaptation = un certain redéploiement des moyens psychiques reste possible. L’aptitude à se réjouir des qualités des autres nourrit la chaleur des relations. Les identifications sont remises en jeu et ébranlent l’organisation de la personnalité, certains ont parlé à ce sujet de « seconde crise de l’adolescence « . On voit alors réapparaître des quêtes artistiques (peinture, littérature, musique …) ou identitaire (ésotérisme) qui avait été abandonnées à l’orée de la vie adulte (Phosphorus). C’est aussi un moment d’adaptation durant lequel on peut observer des moments d’oppositions, d’angoisses et de dépression (de qualité presque juvénile !).

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B – trouve les moyens d’une lutte contre la souffrance. C’est à ce niveau qu’une approche thérapeutique cohérente va « faire la différence ». De multiples études retiennent d’ailleurs le mauvais état de santé comme un des facteurs péjoratifs majeurs de l’évolution d’une dépression chez le sujet âgé.

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Jeune

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NB. Se sentir utile a un formidable effet antidépresseur : selon une étude publiée par l’American Journal of Cardiology, les patients victimes d’un infarctus qui possèdent un animal de compagnie ont six fois moins de risque de mourir dans l’année suivant l’opération. Une enquête de l’université d’Harvard démontre que le simple fait de s’occuper d’une plante réduit de moitié la mortalité des pensionnaires des maisons de retraite !

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EHPAD – EMS

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La sortie récente du livre Les fossoyeurs” de Victor Castanet a remis au goût du jour un sujet qui, hélas, fait régulièrement la une des faits divers : la situation dramatique de nombreux résidents en maison de retraite [1]. Le livre mène une enquête spécifique sur le “système ORPEA”, un réseau d’EHPAD, coté en bourse. Les auteurs dénoncent des faits abjects : des résidents sont rationnés sur les couches, les soins et même les biscottes du petit-déjeuner alors qu’ils payent une fortune pour que l’on s’occupe d’eux. 

Au dysfonctionnement du système ORPEA, s’ajoutent aussi les manquements de l’Etat et notamment des ARS, dont le système de financement des Ehpad n’est pas toujours transparent ni très favorable à la santé des résidents. Nous sommes en 2022, et nos anciens se trouvent souvent maltraités dans les résidences qui les accueillent en fin de vie. Ce constat est malheureusement vrai un peu partout même s’il y a forcément des nuances d’un Ehpad à l’autre. Mais le malaise est général et il n’est pas nouveau. 

Déjà en 2017, Anne-Sophie Pelletier, aide-médico-soignante, avait dénoncé cette situation dans un livre appelé Ehpad, une honte française. Elle dénonçait le fait que les personnes âgées étaient perçues comme une manne, comme de l’or gris. L’arrivée de la crise sanitaire en 2020 n’a fait qu’empirer les choses.

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La soudaine prise de conscience des médias sur le sujet permet d’en faire un thème de discussion pour la campagne présidentielle. Et cela tombe bien, différentes associations de terrain se sont mobilisées pour s’adresser à l’ensemble des candidats et des représentants politiques encore en place afin de leur faire part de leurs demandes urgentes. 

Ce mouvement réunit 15 associations et collectifs qui représentent plusieurs milliers de familles et plus de 1000 Ehpad, soit bien plus que ceux appartenant au groupe ORPEA qui en détient 300 en France. Ce sont souvent des familles de résidents qui ont créé ces associations. Elles étaient révoltées par le traitement de leurs parents et grands-parents. Beaucoup d’entre elles ont constaté l’isolement total de leurs proches durant la crise sanitaire du coronavirus. Souvent les familles n’ont pas pu dire au revoir à leurs anciens. Parmi ces organismes, j’en cite trois : l’association TouchePasMesVieux qui m’a contacté, le collectif  Cercle des proches aidant en Ehpad et l’association Aid’ainé

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Ces familles ont formulé 11 demandes urgentes. Le constat dressé par ces associations ne vient pas seulement de situations vécues. Les manquements de l’Etat et les défaillances de nombreux Ehpad ont été répertoriés dans différents rapports officiels, notamment du défenseur des droits, souvent cité par la plateforme des associations. 

Les hommes politiques connaissent parfaitement la situation. Maintenant il faut qu’ils agissent ! Je ne vais pas lister toutes les propositions que vous pourrez retrouver sur internet mais je vous donne les trois qui me paraissent les plus essentielles :

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1/ Considérer la chambre du résident comme son domicile 

Ce qui ressort des différents témoignages et rapports cités par le document du collectif, c’est l’incroyable ascendant pris par la direction des Ehpad sur les résidents et leurs familles. Résidents et familles sont séparés, les droits de visite sont sévèrement limités et le consentement des personnes âgées complètement mis de côté. Une personne témoigne en disant ceci :

« Nous devons pouvoir aller et venir dans la chambre de nos parents comme et quand ils le souhaitent et non pas en fonction des décisions prises par la direction de l’établissement elle et elle seule. »

Sanctuariser la chambre du résident, en faire son domicile à part entière, c’est lui redonner une dignité, c’est mettre une barrière utile et salutaire entre le résident et le reste du monde. Cela oblige ceux qui entrent en relation avec la personne dépendante à quelque égards. 

2/ Mieux soigner les résidents en augmentant le personnel soignant 

Si les soignants passent peu de temps à faire la toilette des résidents ou à les écouter, c’est parce qu’on leur demande de travailler à la chaîne. L’épidémie de Covid 19 a accentué ce phénomène en augmentant les arrêts de travail. Il n’y avait déjà pas assez de soignants avant l’épidémie. Depuis qu’elle sévit, c’est une vraie débâcle. Un témoin affirme ceci :

“Nous n’acceptons plus les situations suivantes : les problèmes d’hygiène, les repas mixés immangeables, la mise en pyjama dès 17h15 et la fermeture des volets, le refus de pouvoir aider nos parents pour les repas, etc. »

À cette demande s’ajoute celle d’une formation adéquate. Car aujourd’hui, il manque du personnel convenablement formé, ce qui suppose une réorganisation de la filière. 

3/ Prendre en compte le consentement libre et éclairé des résidents 

Le gouvernement a lui-même tendance à oublier cette notion pour les patients en leur imposant de plus en plus d’actes médicaux obligatoires ou quasi-obligatoires. Sans surprise, ce mépris affiché de la population se traduit par un cynisme évident à l’égard des personnes âgées. Ainsi, le Pr Christian Perronne a-t-il dénoncé au début de l’épidémie de SARS Cov 2 le recours facilité au Rivotril dans les maisons de retraite. Ce médicament est un sédatif puissant. Alors qu’il fallait une décision collective pour l’administrer, le gouvernement a changé les règles en début d’épidémie. 

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La décision est devenue individuelle. Surtout, les patients morts par sédation ont été comptabilisés comme des morts du covid 19. Ce scandale a peu ou pas été repris dans la presse. La mort prématurée de ces personnes âgées a servi l’agenda de la peur du gouvernement. Pendant ce temps, familles et résidents étaient écartés de toute forme de discussion concernant leur bien-être. 

On a fait des résidents des patients soumis aux diktats des direction d’Ehpad et des ARS, le tout avec le blanc seing du gouvernement ! Il existe pourtant un moyen simple de redonner du pouvoir aux résidents face aux directions des Ehpad. Il existe  un “Conseil de la vie sociale” qui décide de nombreux détails du quotidien des résidents. Mais ces derniers y sont minoritaires, quand ils peuvent y participer. Inverser la tendance et leur donner la majorité lors des prises de décision de ces comités changerait clairement la donne. C’est l’une des 11 propositions du collectif d’associations de familles de résidents. 

Il est temps que la parole se libère partout et que ces comportements cessent définitivement !

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