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Pour aborder la transmission d’un enseignement pratique concernant la santé du cheval, il est fondamental de comprendre l’animal dans sa globalité.

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D’où vient-il, quelle est son évolution, quelles aptitudes a-t-il développé pour s’adapter au milieu extérieur, aux contraintes externes, quelle sont ses spécificités parmi les 5400 espèces mammifères … ? Autant de questions dont les réponses nous éclairent sur son anatomie et sur sa physiologie.

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Voilà pour le cheval libre, à l’état naturel. Il conviendra ensuite d’analyser les conséquences de sa domestication et de son utilisation par l’homme, source de nombreux dysfonctionnements de son équilibre homéostasique *…..

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Jument

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LE CHEVAL, D’HIER À AUJOURD’HUI

A l’ère secondaire, au Mésozoïque (- 230 M d’années), apparaissent les premiers mammifères* . Ce sont des ovipares*. Puis, au cours de l’ère tertiaire, se profilent nos mammifères modernes et notamment les premiers périssodactyles* (- 65 à – 53 Ma). « Eohippus » ou Hyracotherium (- 55 Ma) est considéré par l’ensemble des paléontologues comme l’ancêtre du cheval actuel. Il est petit, trapu, ADAPTÉ à la forêt dans laquelle il vit.

De la grosseur d’un chien, pourvu de 4 doigts aux membres thoraciques et de 3 aux membres pelviens, orbites médianes et espace très réduit entre les dents de devant et les molaires (diastème). Ses phalanges sont courtes et reposent sur un coussinet plantaire, lui conférant la souplesse du pied nécessaire au milieu forestier.

Sa brachyodontie* témoigne d’une alimentation composée de feuilles plutôt que d’herbe.

D’Éohippus à « Equus caballus » (le cheval domestique moderne), la route de l’évolution est longue et notre animal va devoir s’adapter. ADAPTATION, maître mot de la survie et de la santé …

Au début du Miocène, pendant l’ère tertiaire (- 24 à – 5 Ma), le changement de climat entraîne une réduction des forêts au profit des prairies. L’adaptation au milieu extérieur se caractérise alors par des modifications très significatives de la fonction, donc de l’anatomie :

—    Disparition des coussinets plantaires, allongement de la phalange proximale du médius et redressement du pied /sol : la vitesse et l’endurance prédominent en plaine pour lutter contre les prédateurs, la surface de contact au sol doit donc diminuer, les autres doigts ne posent plus et servent seulement de soutien au médius pour éviter les mouvements latéraux ou l’hyperflexion dorsale.

—    Union du radius et du cubitus qui, créant un rail pour la phalange proximale, favorisent les mouvements pendulaires de Flexion- Extension au dépend des mouvements latéraux (ABDuction -ADDuction) du pied.

—    L’Hypsodontie* remplace la brachyodontie*, doucement remplit les espaces entre les crêtes dentaires, les deux phénomènes permettant à l’animal de broyer l’herbe très abrasive contrairement au feuillage tendre.

— Eohippus évolue successivement en « Orohippus », « Mésohippus », « Mérychippus » et autres « Pliohippus ». Nous sommes au pléistocène, àl’ère quaternaire, (- 2,5 Ma) la monodactylie* s’est imposée, le crâne s’est adapté, jusqu’aux premiers Equus ( – 2 Ma). Equus est doté de toute l’adaptation anatomique ci-dessus, son crâne s’est modifié, notamment en latéralisant les orbites, permettant ainsi à l’animal d’agrandir son champ de vision et donc de devenir plus performant pour échapper à ses prédateurs.

L’archéologie, la paléontologie, confortées aujourd’hui par la biologie moléculaire moderne, permettent de différentier les lignées mais avec les difficultés liées àl’interféconditédes différentes espèces.

— Ainsi, c’est du cheval de Prjevalski (découvert en Mongolie) dont se rapprocherait le plus le cheval sauvage contemporain (Equus Ferus) plutôt que du Tarpan d’Europe centrale en raison d’une anatomie moins bien adaptée au milieu extérieur (métapode court, sabot large).

Mais le cheval domestique actuel (Equus Caballus) diffère génétiquement du cheval de Prjevalski, dont la lignée à évolué indépendamment depuis 300 000 ans.

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La domestication du cheval contemporain date d’environ 4000 ans.

On en retrouve les preuves archéologiques en Russie, en Grèce, au Moyen-Orient …

L’histoire de l’homme devient intimement liée à celle d’Equus Caballus :

  • Conquête de territoires (chevaux de guerre)
  • Sédentarisation (labourage, halage, débardage…)
  • Echanges (colportage)
  • Commerce (de l’hippophagie au lait de jument …)

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De nos jours le cheval est majoritairement utilisé pour les loisirs : randonnée, Concours de Saut d’obstacles, dressage, voltige, cross, endurance ….

Les sélections génétiques dans le cadre de « l’amélioration de la race chevaline » fabriquent des athlètes de haut niveau ( sauteurs, galopeurs, trotteurs …)

Buffon disait de lui qu’il est « la plus belle conquête de l’homme », mais l’homme contemporain est-il son meilleur allié ? Jules Renard lui, le définit comme « le seul animal dans lequel on puisse planter des clous » !

Pour répondre à cette question, il faut comparer l’éthologie* du cheval à l’état naturel, sa sociologie, son alimentation, avec ses conditions de vie actuelle, souvent sources de déséquilibres fonctionnels faisant le lit de pathologies plus lourdes.

Ce qui fera l’objet de prochains chapitres.

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Rappels et Définitions *

–    Homéostasie   : capacité d’un système biologique à conserver l’équilibre de ses fonctions lorsqu’il est soumis à des contraintes externes.

–    Périssodactyles : ordre des mammifères ongulés possédant un nombre impair de doigts aux membres pelviens : chevaux (1 doigt), Rhinocéros et tapirs (3 doigts pelviens).

–    Monodactyles : représentés aujourd’hui par les Equidés (1 seul doigt) : chevaux, ânes, zèbres et onagres

–    Ovipares         : animaux qui pondent des oeufs, par opposition aux vivipares dont les embryons se développent en milieu utérin.

–    Mammifères   : du latin mammalia, le mamelon, vertébrés qui nourrissent leur progéniture avec du lait issu des glandes mammaires des femelles. Un chapitre spécifique sera consacré à ce sujet.

–    Brachyodontie : dentition à couronnes basses, à croissance limitée.

–    Hypsodontie : dentition à couronnes hautes, à croissance prolongée ou continue.

–    Ethologie  : étude du comportement animal.

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Éthologie équine

L’éthologie est la science du comportement d’une espèce, en milieu naturel ou non, au sein de sa propre espèce et dans ses relations inter-espèces. C’est une science jeune dont un des fondateurs les plus connus est Konrad LORENTZ (1925). L’éthologie équine est encore plus récente puisque ses bases ont étéposées dans les années 1970 (FEIST, STAMMSSEN …)

Le cheval à l’état naturel, en liberté, s’organise en harde composée d’un étalon, de une à trois juments dont une dominante et des poulains issus de ces unions qui restent avec le groupe jusqu’à l’âge de deux ans, bien après leur sevrage qui a lieu vers un an.

Outre l’optimisation de la reproduction, cette organisation permet une surveillance accrue des prédateurs potentiels. La fuite et la vitesse constituent le principal moyen de survie. Dépendant du groupe, le cheval est donc un animal SOCIAL qui a besoin de la présence de ses congénères et qui s’en assure aussi bien par la vue, l’odorat ou encore par le toucher.

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Cet herbivore non ruminant passe de 13h (mâle) à15h (femelle) par jour à paître, de jour comme de nuit (sa vision nocturne est meilleure que celle de l’humain) à pas lents. Il se repose 5 à7 heures, le plus souvent debout (Dame nature l’ayant doté d’un appareil biomécanique ingénieux sur ses membres pelviens …)

La relation dominant-dominé est la règle, le plus âgé étant souvent le dominant de la harde. Chaque animal passe également une à deux heures de veille sur le groupe.

De cet abord éthologique, nous pouvons observer les besoins fonctionnels biomécaniques fondamentaux du cheval pour conserver un parfait équilibre de santé :

1- Elongation de l’ensemble du rachis vertébral (13 à15heures/ jour)

2- Mastication (concomitante,13 à15h/jour)

Nos chevaux domestiqués vivent-ils ainsi ? Pour les besoins de la domestication, la contrainte externe qui leur est appliquée est souvent forte (box, 3 repas de granulés/ jour, manque d’exercice, etc …)

D’après les études de Patrick DUNCAN, spécialiste au CNRS, un éthogramme équin nous renseigne sur l’adaptation nécessaire du cheval selon ses conditions de vie :

BESOINS FONDAMENTAUXCheval libre camarguaisCheval au box, rationné à 3Kgs de foin
MANGER60% (14h)15% (3h30’)
DEBOUT INACTIF20% (5h)65% (15h30’)
COUCHÉ10% (2h30’)15% (3h30’)
AUTRES vigilance, interactions sociales, exercice10% (2h30′)5% (1h30’ )

Il devient évident qu’un tel bouleversement dans ses besoins fondamentaux va nuire à l’équilibre du cheval au box. S’en suivront des déséquilibres fonctionnels de l’appareil digestif, de l’appareil locomoteur ou bien encore des troubles du comportement (tics àl’appui, tics àl’ours…) précurseurs de pathologies futures.

Le praticien de santé averti devra donc tenir compte en première intention du respect ou non des besoins fondamentaux de l’animal. Retenons ce qui lui est nécessaire :

–    60 kilogrammes d’herbes/ jour.

–    40 litres d’eau,/jour.

–    Un peu de sel et de minéraux.

–   De l’espace (1ha / animal dans l’absolu, ou au moins de quoi se coucher, se rouler ou galoper)

–   Une relation sociale (à minima inter-espèces ).

Nous reviendrons ultérieurement sur les conséquences biomécaniques imposées au cheval selon son utilisation aux différentes disciplines sportives.

Aujourd’hui l’éthologie permet d’optimiser l’élevage ou de réintroduire en milieu naturel des espèces menacées. Son étude permet également l’éclosion de nouvelles professions comme celle de comportementaliste.

Les deux pièges principaux à éviter dans l’approche d’un animal, quel qu’il soit, sont :

– L’anthropomorphisme (tendance àattribuer aux animaux des comportements propres à l’humain).

– L’anthropocentrisme (conception philosophique Aristotélicienne qui place l’homme au centre de l’univers).

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Conséquences et Abord du cheval

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1-Respecter l’éthologie de l’Animal

Le rapport dominant/dominé est nécessaire à l’animal et dans cette relation, le thérapeute prend le rôle de dominant, pendant le temps de l’examen.  NB. Dominant s’entend au sens de guide et non pas de dictateur !

Le cheval doit être pour cela mis en confiance :

° éviter les gestes brusques,

° l’informer de notre présence par le toucher( particulièrement quand le thérapeute se trouve dans les zones aveugles de son champ visuel )

° le calmer s’il semble trop nerveux (zone du chanfrein ou du poitrail, riches en points de régulation Yin/Yang ou neuro-végétative ).

L’environnement du cheval est primordial lors de l’examen : y prêter une grande attention :

° proximité de congénères.

° présence de bruits parasites, générateurs de peur et donc de réaction.

° présence d’insectes agressifs selon la saison.

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2- Respecter les consignes de sécurité du praticien.

° Derrière le cheval : zone la plus dangereuse, potentiellement mortelle…! La distance de sécurité minimale correspond à la longueur des membres pelviens. Se souvenir qu’il vaut mieux être poussé que tapé et donc que la proximité avec l’animal est une garantie de sécurité.

° Au niveau du flanc. Conserver à l’esprit que le cheval peut taper avec son membre pelvien jusqu’à mi-flanc, ce qui lui permet d’éliminer les parasites…

° Face au cheval. Garder conscience que c’est une zone aveugle et par conséquent, éviter tout geste! brusque ou intempestif (le cheval peut se cabrer )

° A proximité de l’animal. Ne pas oublier qu’un pied humain n’est pas conçu pour supporter une charge de 500 kgs : portez des chaussures ou des bottes de sécurité.

.ChampBinocculaire

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3- Respecter la relation animal / praticien

Le cheval communique entre autre grâce à sa posture. Deux éléments anatomiques sont importants à observer : les oreilles et la queue. Leurs positions dans l’espace et leurs mouvements sont significatifs des intentions de l’animal. Exemples : oreilles couchées, yeux exorbités, naseaux frémissants, queue en l’air et agitée, sont des signaux de menace.

Une relation de confiance entre le praticien et l’animal est primordiale et doit s’instaurer en! première intention. Le toucher en est un vecteur essentiel.

Quand le cheval aura « ressenti » qui est le praticien et ce qu’il fait, le dialogue manuel avec ses tissus pourra commencer. Il livrera alors plus facilement ses zones de tension et coopèrera plus volontiers à leurs normalisations.

Lever les contraintes, les blocages, qu’ils soient énergétiques ou mécaniques, est l’axe principal de l’abord thérapeutique.

Instaurer des contraintes supplémentaires au prétexte de la sécurité du thérapeute tels que tord-nez ou entraves, est paradoxal avec le but recherché et contre productif pour l’échange interactif d’informations tissulaires objectives.

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ChampBi2

Bibliographie :

LEBLANC M.A.  : « L’esprit du cheval, introduction àl’éthologie cognitive » (Belin, 2010 )

DANELL K., BERGSTROM R., DUNCAN P., PASTOR J. (Eds.) « Large herbivore ecology, ecosystem dynamics and conservation » (Cambridge University Press, 2006 ).

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Jacqueline PEKER et Marie-Noelle ISSAUTIER « Homéopathie et cheval : conseils thérapeutiques  » (Vigot, 2013). Écrit par deux vétérinaires passionnées, cet ouvrage rassemble leurs conseils thérapeutiques homéopathiques, issus de leur expérience sur le terrain. Des indications de phytothérapie et d’oligothérapie peuvent les accompagner. Plus de cent pathologies courantes du cheval sont clairement présentées sous forme de pages-conseils, selon un plan constant et rigoureux. Aux symptômes cités correspondent des solutions thérapeutiques confirmées par la pratique. Cet ouvrage permet aux professionnels concernés de trouver de nombreuses réponses aux symptômes présentés par l’animal.

Ostéopathie animalière

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