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 Quelques réflexions et applications pour une endocrinologue astucieuse 

« Si un lion entre dans cette pièce, votre pouls montera et toute une série d’événements va se déclencher dans votre corps » dit Mirjam Christ-Crain. Que le stress soit dû à une surcharge de travail ou à un infarctus, la cascade d’hormones libérées sera la même. En mesurant leur concentration dans le sang, l’endocrinologue bâloise a découvert qu’elles permettent de mieux prévoir l’issue des pneumonies et des attaques cérébrales. Et qui sait, peut-être de toutes sortes d’autres pathologies. « Le stress est une réaction d’alerte, explique le médecin. Si elle est trop forte, c’est mauvais. Elle ne doit pas être trop basse non plus, parce que le corps a besoin des hormones pour se mettre en état de défense ». La jeune chercheuse a reçu le Prix Latsis 2009, attribué par le Fonds national suisse de la recherche scientifique.

 

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C’est en 2001 qu’elle a commencé à travailler au sein d’une équipe qui s’intéressait à ce qu’elle appelle « l’endocrinologie élargie ». C’est-à-dire, une discipline qui ne se cantonne pas au diabète et aux maladies de la glande thyroïde. « En tant qu’endocrinologues, nous croyons aux hormones, dit-elle. Nous voulions les intégrer à la médecine générale, pour améliorer les diagnostics et les pronostics

 

Ses premières recherches se concentrent sur le diagnostic d’infections des voies respiratoires. « Lorsqu’un patient arrive avec des symptômes, il est très difficile de déterminer si l’infection est d’origine virale ou bactérienne » souligne Mirjam Christ-Crain. Le traitement classique consiste à administrer des antibiotiques. Mais ils ne combattent que les bactéries: contre un virus, ils ne servent à rien. Et plus souvent on en donne, plus il y a de chances qu’une résistance se développe. La chercheuse a eu l’idée de mesurer le taux de procalcitonine – une hormone dont la production augmente en cas d’infection bactérienne – chez un groupe de patients admis aux urgences, et de ne leur donner des antibiotiques que si la concentration était supérieure à la norme. « Nous avons réduit l’utilisation de 50% avec des résultats équivalents », sourit-elle.

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Elle s’est ensuite penchée sur les cas de pneumonie, lorsque l’infection – dans ce cas presque toujours bactérienne – a atteint les poumons. « Il s’agissait cette fois de déterminer pendant combien de temps il fallait donner des antibiotiques. Dès que le taux de procalcitonine baissait au-dessous d’un certain niveau, on arrêtait.» Là aussi, la durée du traitement a pu être diminuée de 50%. Et, en étendant l’essai à un groupe de médecins généralistes – « qui ont tendance à donner systématiquement des antibiotiques » –, leur utilisation a même pu être réduite de 75%. Depuis, cette méthode fait partie de la routine de beaucoup d’hôpitaux en Suisse, en Allemagne et en Angleterre.

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Ce n’est que dans un deuxième temps que Mirjam Christ-Crain s’est intéressée aux pronostics. « Je voulais savoir s’il y avait un élément mesurable qui nous permette de prédire, quand un patient atteint de pneumonie arrive aux urgences, s’il va mourir ou s’il va survivre, s’il doit être admis aux soins intensifs avec une surveillance médicale 24 heures sur 24 ou s’il peut rentrer à la maison », précise-t-elle. 

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En poste pendant deux ans à Londres, elle se concentre sur les hormones du stress. « La cascade d’événements qui s’active lorsque vous êtes stressés ne dépend pas vraiment du type de stress, poursuit la chercheuse. Il peut être psychologique ou psychique.» Le cerveau libère plusieurs hormones. Les glandes surrénales également, notamment l’adrénaline et la noradrénaline, dont la concentration augmente très vite puis baisse rapidement aussi. En fin de chaîne, le cortisol, l’hormone «classique» du stress, est activé. «L’hypothèse était que les patients atteints de pneumonie qui ont un haut niveau de stress à leur admission ont un pronostic plus mauvais que ceux qui ont un niveau plus bas, se rappelle l’endocrinologue. La mesure de la forme libre du cortisol est venue confirmer cette hypothèse

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En revenant à Bâle, Mirjam Christ-Crain décide de poursuivre la piste des hormones du stress. Elle se tourne, un peu par hasard, en raison des affinités d’une collègue, vers les attaques cérébrales. En mesurant également cette fois-ci une hormone moins «classique», la copeptine, produite dans le cerveau. « Nous avons fait le même constat que pour la pneumonie. Les niveaux de copeptine étaient plus élevés à l’admission chez les patients qui sont morts par la suite, ainsi que chez ceux qui sont restés handicapés trois mois après.» Des résultats qui viennent d’être publiés.

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Pour l’endocrinologue, la mesure des hormones du stress, prise dans le contexte clinique, pourrait à terme permettre de mieux allouer les ressources en cas de pneumonie ou d’attaque cérébrale. « Les patients auraient une idée plus précise des risques qu’ils encourent, on pourrait réduire la durée d’hospitalisation, ainsi que les coûts de prise en charge », ajoute-t-elle. La chercheuse travaille aussi sur un nouveau projet. Il s’agit de déterminer si on peut améliorer les chances de survie et la vitesse du rétablissement, en cas de pneumonie, en donnant aux patients des faibles doses d’hormones du stress. « Cela peut paraître paradoxal, mais ce n’est pas vraiment la même chose si on a un taux élevé d’hormones endogènes où si on vous les a administrées en traitement.» Il se pourrait effet que ce soit une réponse trop importante du corps à un stress élevé qui aggrave l’issue de la maladie. « A haute dose, le cortisol comme traitement peut être immunosuppresseur. Mais à petite dose, il peut enrayer la réponse exagérée à l’infection », ajoute-t-elle.

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Un taux d’hormones du stress élevé est-il un indicateur, ou alors la raison pour laquelle le pronostic est mauvais? Pourquoi est-il plus haut chez certains patients? « Personne ne sait vraiment. On pense qu’il y a des facteurs génétiques qui disposent certaines personnes à réagir plus au stress que d’autres.» Se peut-il que la réponse soit plus élevée simplement parce que l’attaque ou l’infection est plus sévère ? « Il y a une corrélation, répond l’endocrinologue. Mais une analyse statistique a montré que les deux choses sont indépendantes. Le niveau d’hormones n’est pas plus haut rien que parce que vous avez une plus grosse attaque

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Ces découvertes, ouvrent beaucoup de perspectives. Mirjam Christ-Crain estime en effet que les hormones du stress jouent probablement un rôle dans beaucoup de maladies: il suffirait de les étudier. Une belle marge de développement pour « l’endocrinologie élargie ».

 

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