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La médecine des odeurs

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L’histoire des aromates et des parfums débute en Occident environ 4500 ans avant J.C., en Egypte, berceau de la médecine et de la pharmacie occidentale, sciences placées sous la protection du dieu Horus. Ceux-ci utilisaient largement les huiles balsamiques, les onguents parfumés, les résines aromatiques, que ce soit en médecine, en liturgie, dans la vie courante ou dans la pratique de l’embaumement des corps. Un peu plus tard, Hippocrate combattit la grande épidémie de peste d’Athènes en faisant placer un peu partout dans les rues de larges cassolettes pour répandre à profusion les fumigations aromatiques.

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alt   diffuseur d’HE

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L’avènement du christianisme et la chute de l’empire romain furent suivis d’une longue période d’obscurantisme médical où l’on enregistre le déclin de toutes les connaissances. Ce sont les arabes qui reprirent l’usage thérapeutique des aromates et des huiles parfumées. Ils perfectionnèrent les techniques de la distillation (qui imite le soleil !), de la sublimation, de la cristallisation et inventèrent le serpentin réfrigérant. Les croisés importèrent en Europe occidentale la plupart des connaissances scientifiques du monde arabe (cf. Paracelse et les alchimistes).

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Il n’y a pas d’huiles essentielles – en tant telles – au sein de la Médecine Traditionnelle Chinoise. Pourtant celle-ci utilise largement les plantes à essences, surtout le Gingembre et la Cannelle, que l’on retrouve dans de nombreuses formules (tisanes, décoctions, macérations, cataplasmes, pommades …). Le « Baume du tigre » contient de l’HE de Menthe et de Camphre.

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Communément appelées « essences » (HE), les molécules aromatiques sont des substances de consistance huileuse, plus ou moins fluides, voire résinoïdes, très odorantes, volatiles, souvent colorées et plus légères que l’eau (densité de 0,75 à 0,98). Les plantes les synthétisent pour stocker l’énergie (jours sans soleil), comme protection contre les prédateurs ou pour attirer certains insectes (reproduction). Si de nombreuses plantes renferment des essences, une centaine de plantes seulement en contiennent des quantités notables. Elles appartiennent pour la plupart aux familles suivantes :

  1. Les conifères : pin, sapin, cyprès, juniperus … polarité Rein
  2. Les poacées (graminées) : citronnelle, lemongrass, palmarosa … polarité Poumon
  3. Les myrtacées : eucalyptus, tea tree (photo ci-dessous), myrte, giroflier … polarité Poumon vers Rate
  4. Les labiées : thym, romarin, sauge … polarité Coeur / Rate / Poumon (triangle de la lymphe)
  5. Les rutacées : agrumes … polarité Rate vers Rein
  6. Les apiacées (ombellifères) : carotte, livèche, fenouil, anis, ajowan … Poumon vers Foie
  7. Les astéracées (composées) : hélichryse, tanaisie, camomille …   Foie / Cœur / Rate (triangle du sang)
  8. Les lauracées : laurier noble

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Selon le cas, les HE sont extraites des fleurs, des semences, des feuilles, des fruits, des racines, des écorces ou du bois. L’extraction s’effectue le plus généralement par distillation, c’est à dire concentration de principes actifs par la chaleur. Pour certaines essences, on procède par expression (agrumes) ou par lixiviation (distillation fractionnée à l’aide de solvants organiques). Certaines HE comportent un composant majoritaire (ex.: Bouleau = salicylate de méthyl, Estragon et Basilic tropical = méthyl-chavicol (90%), d’autres au contraire en possèdent des quantités (ex.: Géranium rosa = 250 molécules actives différentes !).

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Pour choisir une « bonne » HE, faites attention à ces 3 critères :

  1. une huile identifiable botaniquement et chimiquement (chemotypée),
  2. 100 % pure et naturelle,
  3. labélisée bio (lorsque c’est possible),

vous éliminez alors déjà les trois quarts du risque de vous retrouver avec une huile de mauvaise qualité.

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A noter que l’utilisation contemporaine des HE comme remèdes est une spécialité francophone (utilisation ponctuelle dans la plupart des autres pays) ! Elles possèdent différents types d’action :

–> Antiseptique, cf. le cas historique toulousin du « vinaigre des 4 voleurs ». Avec pour certaines un pouvoir cicatrisant. L’on peut ainsi distinguer trois classes d’HE :

  1. Les antiseptiques « majeurs », au nombre de 7, d’action puissante et polyvalente : HE d’Origan (le plus fort coefficient phénol), Thym, Cannelle, Sarriette (staphylocoque doré), Girofle, Pin et Cajeput.
  2. Les antiseptiques « médium », d’action plus spécifique : HE de Lavande, Eucalyptus, Niaouli, Romarin, Cyprès, Serpolet, Estragon, Citron et Menthe.
  3. Les essences qui présentent inopinément une action antiseptique, c’est à dire qu’elles se révèlent bactériostatiques de façon imprévisible selon le type de microbes et la localisation de l’infection.
  4. Les HE à Oxydes sont antivirales (Eucalyptus, Cardamone, Myrte …)
  5. Beaucoup sont vermifuges : Ail et graine de Courge (ascaridol – mais neurotoxiques)

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Depuis un vingtaine d’années « l’aromatogramme » s’est développé afin d’étudier le comportement des HE vis à vis des souches microbiennes prélevées sur le malade. La mise en œuvre de cette technique est à la fois délicate (problème de l’extrême diffusibilité des essences dans les milieux ensemencés) et décevante : l’appréciation du pouvoir bactériostatique d’une grande quantité de souches n’a fait que confirmer la classification ci-dessus. De plus, cette méthode nous a démontré qu’il n’existait pas de synergie d’action antiseptique entre les HE, au contraire, dans de nombreux cas, l’interaction in vitro de deux essences facilite la pousse microbienne !!

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                                                      Résultat ci-dessus = aromatogramme d’un candida albicans extrait d’un poche parondontale

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–> Hormonale. Certaines HE ont une polarité organique affirmée, ainsi :

  • Surrénales = Sarriette, Pin, Epinette noire
  • Uro-génitale = Cyprès, Santal, Thuya
  • Ovarienne = Girofle, Sauge
  • Thyroïdienne et galactogène = Fenouil

D’autres ont un effet organique plus global, qui est révélé par leurs propriétés stimulantes et diurétiques.

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–> Eupeptique. Nombreuses sont les plantes aromatiques actives sur l’appareil digestif (estomac, vésicule biliaire, foie, intestins).

Cas des aromates ++ comme l’Anis, le Citron, le Coriandre, le Céleri, le Romarin, etc…

Vésiculaire = Serpolet, Thym              Pancréatique = Eucalyptus, Genièvre …

Quelques unes sont spécifiques des fermentations intestinales, ainsi : l’Ail, le Genièvre, la Girofle, le Thym, le Sassafras, etc..

Attention, les HE à phénol (ex.: Clou de Girofle, Origan …) sont hépatotoxiques !

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–> Psychotonique ou relaxante

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Si de nombreuses HE sont connues pour leurs propriétés excitantes (cf. les parfums féminins), d’autres sont sédatives (cf. l’Oranger, la Lavande, la Marjolaine, le clou de Girofle, cf. tableau ci-dessus …). Citons aussi la remarquable action antiépileptique de l’Estragon.

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Mais les HE ont bien d’autres effets : décongestionnantes, cardio ou phlébotoniques, toniques, antalgiques et anti-inflammatoires, cicatrisantes …

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Vous pouvez prescrire/utiliser les HE :

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—> sur la peau, loco-dolenti, leur « voie royale » d’administration pour une action localisée, massages, frictions, compresses bains de corps ou bains de bouche, pures (quelques gouttes seulement) ou diluées dans une huile végétale (Amande douce, Olive …). Elles passent très vite la barrière cutanéo-muqueuse. L’utilisation optimale est à nos yeux le massage des points d’acupuncture avec une goutte d’HE (Aromapuncture !).

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—> per os, diluées, mais attention, elles ne doivent pas être absorbées dans un verre d’eau, car hydrophobes, elles restent collées aux parois du verre. Directement en bouche, elles brûlent les muqueuses ! Certains préfèrent en conseiller la prise sur un sucre, du miel ou la poudre de lait (polarité Rate), dans un peu d’huile (huile végétale – pépins de raisins par exemple – polarité Foie), dans de l’alcool à 10% (polarité Coeur). On peut utiliser un dispersant (ex.: disper® ou Solubol®) qui va favoriser leur solubilité dans l’eau. Votre pharmacien peut aussi les mettre en gélules : l’excipient pouvant être du lactose, un gel de silice ou même un nébulisât végétal (ex.: poudre de prèle).

Attention, une antiseptique majeure prise per os, comme la Cannelle, a les mêmes inconvénients que l’antibiothérapie : il faudra refaire la flore après coup …

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Pour notre part, per os, nous les utilisons essentiellement sous forme d’EAU FLORALE (HE de fin de distillation – hydrolats concentrée à 2 à 5 %). Celles-ci sont tout aussi efficaces et bien mieux tolérées (quelques fournisseurs les mettent en avant, comme le laboratoire PhytoFrance, à côté de Montpellier, dont voici la liste de eaux florales (HA pour Hydrolats) disponibles :

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HA BLEUET SFL (BIO-C)
HA CADE (BIO-C)
HA CAMOMILLE ROMAINE SFL (BIO)
HA CYPRES TOUJOURS VERT RAM (BIO)
HA EUCALYPTUS GLOBULUS FEUILLE (BIO)
HA GENEVRIER COMMUN ERIGE RAM  (BIO)
HA GERANIUM ROSAT FEUILLE (BIO)
HA HAMAMELIS SFL (BIO)
HA HELICHRYSE SFL (BIO)
HA LAURIER NOBLE FEUILLE  (BIO)
HA LAVANDE VRAIE SFL  (BIO)
HA MELISSE OFFICINALE PLANTE (BIO)
HA MENTHE POIVREE SFL  (BIO)
HA MYRTE COMMUN BOIS (BIO)
HA NEROLI BIGARADE (BIO)
HA ROMARIN OFFICINAL SFL-CINEOLE (BIO)
HA ROSE DE DAMAS FL (BIO)
HA SARRIETTE DES MONTAGNES SFL (BIO)
HA SAUGE OFF. GRANDES FEUILLES SFL (BIO)
HA SAUGE SCLAREE  (BIO)
HA THYM THYMOL SFL (BIO)
HA TILLEUL (BIO)

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—> en ovules, diluée dans de l’argile blanche (AlSi) ou de la gélatine, exemple : le « Niaouli pentanerve », pour les dysplasies du col utérin

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—> Diluées, on peut faire des suppositoires (ex.: Eucalyptine Lebrun) et des ovules.

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—> La voie respiratoire a une action générale : l’utilisation en fumigations des HE est très ancienne (diffuseur d’aromes : environ 10 gouttes en 1/2 heure) et permet en outre de désinfecter une pièce ou/et de se débarrasser des insectes (Géranium citronnelle). En inhalation, ne pas respirer plus de 10 minutes (surtout pas dans l’alcool SVP).

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—> en collyre, jamais d’HE !! On utilise dans ce cas une « eau florale » (hydrolats : 2 à 5% d’HE soluble). Si l’on se renverse un HE dans l’œil, mettre localement une huile végétale (jamais d’eau !).

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Attention, vous ne devez pas prescrire les HE (environ 80 sur le marché):

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— En doses trop importantes : une goutte d’HE = 50 tasses de tisanes ! Donc, ne jamais dépasser une dizaine de gouttes par jour, en trois ou quatre fois. Certaines HE sont très réactogènes, ainsi l’Absinthe, l’Eucalyptus, l’Hysope, la Sauge, le Thuya … qui peuvent provoquer des convulsions (délivrance sur prescription uniquement).

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— En doses répétées : saturation des émonctoires (donc à éviter chez les insuffisants rénaux ou hépatique) = évitez les traitements préventif et/ou prolongés (les problèmes peuvent apparaitre dès la fin de la première semaine !). Il arrive souvent qu’une HE inverse ses effets après trois semaines d’action favorable. Quand la nécessité d’un traitement de fond s’impose, nous conseillons à nos malades des « fenêtres thérapeutiques » ne dépassant pas une dizaine de jours par mois.

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— En mélanges : il arrive souvent que leur association annule une partie des paramètres thérapeutiques. Quand le mélange comprend plus de trois HE, l’on a créé un produit dont personne ne connait les propriétés (en tous cas, bien différentes de la somme de ses constituants). Si une HE pure ne convient pas, vous le verrez tout de suite, il vous suffit d’en changer.

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Ne jamais injecter des huiles essentielles par voie veineuse ou musculaire (bien sûr !).

Ne jamais utiliser d’HE pureoculaire ou auriculaire. Ni chez les enfants avant 30 mois : utilisez plutôt les hydrolats (traces d’HE).

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Si possible la tester au creux du bras (une goutte) avant administration et la diluer pour l’administration

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Globalement, les HE apportent beaucoup d’énergie (c’est la forme de stockage de la chaleur et de la lumière dans la plante) et sont donc particulièrement actives dans toutes les affections du pôle poumon (infections, problèmes digestifs et hormonaux féminins). Les pays nordiques ont moins d’HE (ex.: pins) mais plutôt des corps gras (ex.: noisette). Leur action est adaptée aux situations aiguës, ou au déblocage rapide de problèmes chroniques. Cependant, ces essences sont d’un maniement délicat :

— d’abord parce que l’efficacité de chaque lot peut varier énormément d’une année à l’autre et d’un fournisseur à l’autre (cf. ensoleillement, humidité, date de récolte …). C’est d’ailleurs le même problème avec les vins ! Toujours se référer au nom latin (genre et espèce) ++

— ensuite, parce que l’administration n’en est pas commode : elles brûlent les muqueuses (et même la peau si l’on en met trop) et ne sont pas solubles dans l’eau.

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— de plus, certaines d’entre elles sont toxiques, même à faible dose (HE à cétones en particulier : Eucalyptus, Hysope, Thuya …). Beaucoup ont un effet de modificateurs endocriniens, exemple connu : l’apparition d’une gynécomastie chez les jeunes garçons !

enfin, au bout d’une dizaine de jours, même à dose minime (quelques gouttes par jour), elles peuvent saturer l’organisme, bloquer les émonctoires et faire apparaître des effets secondaires fort désagréables ! Les odeurs diffusent même dans l’eau, chez certains poissons ce sens est même prépondérant : prévient d’un danger, attire vers la nourriture, recherche d’un partenaire sexuel ….

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Il faut aussi savoir qu’il existe des HE synthétiques (hémi-synthèse en fait) destinées à la parfumerie. Les essences falsifiées, impures ou synthétiques sont toxiques ! C’est le cas fréquent en particulier de l’essence de Rose (extrêmement chère à l’état naturel), qui a été délivré par une pharmacie à deux de nos patients, qui ont décompensé dans les jours qui suivirent un accident vasculaire périphérique ! Préciser sur votre ordonnance « HE naturelle » et préférez les fournisseurs à label « bio ».

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NB. Si une HE naturelle de bonne qualité, bien indiquée (en particulier quand elle est proposée par le BNS) engendre une aggravation des symptômes du patient, vous avez intérêt à administrer immédiatement le même remède, mais en dilution homéopathique (une dose en 30 CH par exemple), l’amélioration du tableau clinique est alors quasi immédiate !

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Dernier point important : évitez d’utiliser une HE avec (dans le même temps) un remède homéopathique (moyenne ou haute dilution). L’HE va masquer l’effet du remède, comme l’avait déjà remarqué S. Hahnemann en son temps qui déconseillait l’usage du camphre, de la menthe et de l’eucalyptus durant une de ses « cures homéopathiques » !

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alt.      « Petit homme, prends garde aux huile essentielles !« 

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Les huiles essentielles sont en vente libre, à l’exception des suivantes, présentant un risque de toxicité, et qui ne peuvent être délivrées que sur ordonnance (Décret n° 2007-1198 du 3 août 2007 modifiant l’article D. 4211-13 du code de la santé publique relatif à la liste des huiles essentielles dont la vente au public est réservée aux pharmaciens) :

• la grande absinthe (Artemisia absinthium) ; petite absinthe (A. pontica)

• l’armoise blanche (A. herba alba), l’armoise arborescente et l’armoise commune (A. vulgaris)

• le chénopode vermifuge (Chenopodium ambrosioides et C. anthelminticum)

• l’hysope (Hyssopus officinalis)

• la moutarde jonciforme (Brassica juncea)

• la rue (Ruta graveolens)

• la sabine (Juniperus sabina)

• le sassafras (Sassafras albidum)

• la sauge officinale (Salvia officinalis)

• la tanaisie (Tanacetum vulgare)

• le thuya du Canada, alias cèdre blanc (Thuya occidentalis) et le cèdre de Corée (Thuya koraenensis), dits « cèdre feuille ».

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Ainsi que les Huiles essentielles entrant dans des boissons alcoolisées : d’absinthe, d’anis, de badiane, de fenouil (Article 514 bis Version en vigueur au 5 août 2009, depuis le 3 juillet 2003 modifié par Rapport – art. 1 (V) JORF 22 juin 2000 du code de la santé publique).

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Recette …

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Bibliographie de quelques recherches intéressantes dans ce domaine :

— Thèse CNRS 6134 SPE, université de Corse «  Molécules antibactériennes issues d’huiles essentielles : séparation, identification et mode d’action » Elodie GUINOISEAU. 06.10 2010

— Master de sciences, faculté de pharmacie ULB : « Applications hospitalières des huiles essentielles en Belgique francophone » Emilie BAUDIER Année 2011-2012

— Faculté de pharmacie, université de Bourgogne : «  Utilisation clinique des HE : exemples et discussions de pratiques hospitalières en Bade-Wurtemberg (Allemagne) », Claire GONNIN, 2011-2012

— Faculté de pharmacie, université de Lorraine : « Utilisations thérapeutiques des HE : étude de cas en maison de retraite », Florence MAYER, 2012.

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Et un excellent webinaire de Michel DUBRAY : https://youtu.be/syY-M2ep4Bka

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