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 PerturbS         Les « perturbateurs endocriniens »

 

La notion de perturbateur endocrinien (aussi appelés « leurre hormonal », « xéno-œstrogène », etc…) est une notion apparue à la fin du 20 ème siècle pour désigner toute molécule ou agent chimique composé, ayant des propriétés hormono-mimétiques. Les perturbateurs endocriniens sont omniprésents dans notre quotidien : on peut les trouver dans notre alimentation, nos vêtements, nos meubles, nos produits ménagers ou tout simplement dans l’air que l’on respire !

Mais que sont-ils exactement ? Pourquoi sont-ils tant incriminés ? Existe-t-il des solutions pour y échapper ?

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Au cours du XXe siècle, plus de 100 000 molécules ont été conçues par l’industrie chimique1. Aujourd’hui, 40 000 à 60 000 produits chimiques industriels sont vendus dans le monde2. Nombre d’entre eux contiennent des substances reconnues ou suspectées d’être des perturbateurs endocriniens. Ces molécules agissent sur l’équilibre hormonal d’espèces vivantes (animales ou végétales dans le cas des phytohormones). Elles sont souvent susceptibles d’avoir des effets indésirables sur la santé en altérant des fonctions de régulation essentielles telles que la croissance, le développement, le comportement, la production, l’utilisation et le stockage de l’énergie, l’hémodynamique et la circulation sanguine, la fonction sexuelle et reproductrice.

Ces molécules agissent à très faibles doses (du même ordre de grandeur que les concentrations physiologiques des hormones). Elles ne sont pas toxiques au sens habituel du terme (empoisonnement), mais peuvent perturber l’organisme de façon discrète et sur des longues périodes, perturbations parfois difficile à reconnaître. Elles peuvent avoir un impact sur la descendance ou sur des populations entières (par exemple escargots marins ou faune piscicole vivant dans des zones où des perturbateurs endocriniens sont très présents, comme les alligators de Californie, exposés à du DDT ne pouvant plus se reproduire, qui ont fait l’objet d’études déjà anciennes.

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Certains auteurs estiment qu’il y a des preuves suffisantes pour dire que ces substances posent un risque pour la santé humaine et la fertilité humaine. La réglementation REACH permet d’identifier les perturbateurs endocriniens comme substances extrêmement préoccupantes, susceptibles de faire l’objet de mesures de gestion spécifiques. 

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Les polluants organiques persistants, tels le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), les dioxines (PCDD) et les polychloro-biphényles (PCB), s’accumulant le long des chaînes trophiques, peuvent persister dans l’environnement plusieurs décennies, circuler dans différents compartiments environnementaux — atmosphère, biosphère, hydrosphère, lithosphère — au-delà des frontières : on a ainsi montré que les ours polaires pouvaient être contaminés par le DDT émis à des milliers de kilomètres.

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Chez l’homme, la contamination peut également être alimentaire, naturelle avec les phyto-œstrogènes de germe de blé, soja, houblon, etc…, ou artificielle avec des produits migrants des emballages, des résidus de pesticides, de détergents ou de médicaments, ou encore via l’ingestion d’animaux filtreurs contaminés tels que des coques.

Un perturbateur endocrinien avéré pour l’homme a été le Distilbène®, œstrogène synthétique prescrit en France entre 1948 et 1977 aux femmes enceintes afin de prévenir le risque d’avortement, a affecté la mère et ses descendantes. Proche de cette substance, on trouve le 17-ß-estradiol  œstrogène naturel prescrit lors du traitement des femmes ménopausées (THS) — ainsi que la 17-α-éthynylestradiol qui est utilisé dans les pilules contraceptives : populations à surveiller !

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Les diverses substances qui sont ingérées par l’homme en tant que médicaments peuvent être retrouvées en aval des stations d’épuration, puisque les installations sont relativement inefficaces pour détruire ces types de composés. D’autant que la quantité d’agents chimiques qui s’y retrouve est fonction des conditions météorologiques (rayonnement ultraviolet, et température) et l’activité microbienne.

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On distingue souvent :

1/ Composés naturels : myco-oestrogènes et phyto-oestrogènes (isoflavonoïdes)

2/ Composés synthétiques : antioxydants (alkylphénols), détergents (monylphénol polyéthoxylé), des médicaments (stéroïdes synthétiques, tels ceux utilisés dans les pilules contraceptives), des pesticides (DDT, HCH, PCDD), des plastifiants (phtalates, PBDE et PCB).

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Les sources d’exposition sont nombreuses car ces ennemis invisibles se cachent un peu partout dans notre environnement quotidien.

Alimentation & eau

  • La présence de certains pesticides dans l’alimentation, en particulier dans les fruits et légumes, contribuent fortement à notre exposition aux perturbateurs endocriniens. Ainsi, parmi les 90 pesticides réévalués par l’Efsa depuis 2018, 10 ont été identifiés comme des perturbateurs endocriniens.
  • Certains additifs alimentaires comme le BHA (E320) ou le BHT (E321) font partie des additifs suspectés de présenter des effets de perturbation endocrinienne
  • L’eau du robinet peut également contenir des perturbateurs endocriniens, à cause de sa contamination en pesticides ou produits pharmaceutiques (contraceptifs notamment). À chaque fois que vous buvez un verre d’eau du robinet, vous ingurgitez pas moins de 19 molécules pharmaceutiques1

    Des antibiotiques, des antidouleurs, des bêta-bloquants, des antidépresseurs, des hormones contraceptives, des produits de contraste et j’en passe.

    C’est une véritable trousse à pharmacie qui coule dans nos robinets !

    Ça paraît incroyable mais c’est pourtant ce qu’ont révélé des analyses effectuées en 2012 par le Département Environnement et Santé Publique de l’Université de Lorraine2.
    Et ne croyez pas qu’en France nos stations d’épurations modernes permettent de les éliminer car on est vraiment loin du compte.

    Par exemple, les rendements de purification sont seulement de5 : 
    • 48,8% pour l’Érythromycine (un antibiotique)
    • 34,6% pour le Diclofénac (un anti-inflammatoire)
    • 32,5% pour la Codéine (un antidouleur dérivé de la morphine)  
    • Et même 0% pour la Carbamazépine (un antiépileptique)
    Tous ces résidus de médicaments peuvent donc se retrouver dans l’eau que vous buvez tous les jours.

    En France, sur 45 molécules recherchées, 30 ont été détectées au moins une fois dans les eaux brutes (avant traitement).

    Mais le pire c’est que 19 molécules étaient toujours présentes dans les eaux traitées. Le problème c’est que la France est le 4ème pays parmi les plus gros consommateurs de médicaments au monde.

    Toutes ces molécules pharmaceutiques et leurs dérivés se retrouvent donc dans nos urines, puis dans nos toilettes, puis dans le réseau d’assainissement6.

    Or celui-ci n’est pas adapté pour les éliminer correctement.

    Et en plus de tout ça, il faut rajouter les traitements vétérinaires et notamment les antibiotiques qui ont souvent été utilisés de manière abusive dans les élevages.

    Eux aussi peuvent se retrouver dans l’eau que nous buvons7.
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Emballages alimentaires & ustensiles de cuisine

  • On peut retrouver des perturbateurs endocriniens dans certains emballages, en particulier le film plastique et les emballages plastiques. Or, des plastifiants (phtalates par exemple) peuvent migrer vers l’alimentation, en particulier lors du chauffage
  • La contamination peut aussi venir de certains emballages alimentaires en papier et en carton qui peuvent contenir des composés perfluorés (boîtes à pizzas ou sachets de popcorn micro-ondables par exemple). Ces emballages peuvent aussi générer des huiles minérales, provenant notamment des encres et adhésifs des emballages, qui peuvent présenter des effets de perturbation endocrinienne. Celles-ci peuvent migrer vers les aliments.
  • Les ustensiles de cuisine avec revêtements anti-adhésifs peuvent contenir des substances, notamment des perfluorés (PFOA, PFOS), qui agiraient comme perturbateurs endocriniens.

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Médicaments

  • Certains médicaments pourraient présenter des effets endocriniens
  • Chez la femme, les contraceptifs comme la pilule sont par définition des perturbateurs endocriniens dans la mesure où ils modifient le fonctionnement des hormones pour éviter l’ovulation
  • Les médicaments ont pour objectif de soigner et le problème ne concerne pas tant le sujet de la santé où ils apportent davantage de bénéfices que de risques, mais plutôt l’impact environnemental.

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Produits ménagers & produits d’hygiène

  • De nombreux produits ménagers contiennent des substances reconnues ou suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, comme des conservateurs ou des agents de textures (triclosan, phtalates ou certains parabènes par exemple)
  • De la même manière, on peut retrouver ces substances dans les produits de beauté et d’hygiène (déodorants, shampoings, maquillage, dentifrices, etc.).

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Maison & ameublement

  • De nombreux produits de maison et ameublement contribuent à la pollution de l’air intérieur, notamment parce qu’ils contiennent des retardateurs de flamme bromés – substances ayant pour objectif de limiter les risques d’incendie – dont certains ont été décrits comme perturbateurs endocriniens
  • Les produits en tissus (rideaux, moquette, literie, etc.) contiennent ces retardateurs de flamme ou des substances anti-tâches (perflurorés) dont certaines sont des perturbateurs endocriniens potentiels
  • Les meubles peuvent émettre de multiples substances volatiles problématiques, comme le formaldéhyde. Les meubles en bois aggloméré sont particulièrement concernés car ces substances se retrouvent essentiellement dans la colle qui sert à amalgamer le bois
  • Les peintures peuvent également contenir des perturbateurs endocriniens potentiels, en particulier les peintures notées B et C qui sont celles qui émettent le plus de composés chimiques

En 2019, une étude de Santé Publique France a révélé que des perturbateurs endocriniens avérés ou suspectés étaient présents dans l’organisme de tous les Français, avec des taux d’imprégnation plus élevés chez les enfants. Chez l’ensemble des Français ont été retrouvés 6 grandes familles de perturbateurs : bisphénols, parabènes, phtalates éthers de glycol, retardateurs de flamme bromés, composés perfluorés. Selon Santé Publique France, les niveaux d’imprégnations mesurés sont comparables à ceux d’autres études menées à l’étranger, notamment aux États-Unis et au Canada.

Bisphénol A : à quand une interdiction européenne ?

Le Bisphénol A (BPA) est une substance que l’on trouve dans de nombreux plastiques. Il a été interdit en France en 2010 dans les biberons et en 2015 dans les contenants alimentaires, à cause de ses effets de perturbation endocrinienne.

En 2019, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a classé le bisphénol A comme “substance extrêmement préoccupante” en raison de ses effets sur l’ovulation, l’apprentissage et la mémoire13. Pourtant, il reste autorisé dans d’autres pays européens : l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a revu à la baisse la DJA (dose journalière admissible) en décembre 2021 mais ne l’a pas interdit et la plupart des pays européens l’utilisent encore dans des produits à risque comme les biberons.

L’autre problème est que les molécules de substitution utilisées aujourd’hui – Bisphénol F et Bisphénol S – pourraient s’avérer tout aussi problématiques sur le Bisphénol A. Aujourd’hui, de nombreuses études suggèrent que leurs effets sont comparables à ceux du Bisphénol A14-16. Des démarches sont en cours auprès de l’ECHA (European Chemicals Agency) pour mieux encadrer l’utilisation de ces nouvelles substances.

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Le bisphénol A, une variété de phtalates et d’autres perturbateurs endocriniens sont communément trouvés à faible dose dans de nombreux produits et dans l’environnement. Le bisphénol A a notamment attiré l’attention en tant que composant du plastique de nombreux biberons. En mars 2007, un recours collectif (class action lawsuit) a été déposé en Californie contre les fabricants et détaillants de biberons en plastique, mais qui a échoué à prévenir les consommateurs que leurs produits contenaient du bisphénol A, qui selon certains pourrait altérer la santé et le développement des nourrissons et enfants.

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Cette molécule, connue pour avoir des propriétés estrogéniques, est retrouvée dans l’eau, ce qui posent des problèmes graves de féminisation des poissons mâles dans les fleuves anglais en aval des stations d’épuration, ce qui préoccupe les pêcheurs, mais aussi les professionnels de santé publique qui craignent des effets similaires chez l’Homme.

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La mer est également concernée : tous les échantillons d’effluents aqueux de plate-forme de forage analysés en Mer du Nord (sur 5 plate formes) contenaient des perturbateurs endocriniens (antioestrogènes).

 

Risque sanitaire : il est facteur de délétion de la spermatogenèse et est soupçonné de jouer un rôle dans certaines fausses couches, obésité et certains cancers.

Les phtalates sont des substances très utilisées en tant que plastifiants. On en trouve dans la quasi-totalité des produits en polychlorure de vinyle (PVC), auxquels ils confèrent la souplesse voulue (rigide, semi-rigide ou souple), pour les articles souples comme les nappes ou les rideaux de douche. Ils peuvent être trouvés dans des milliers de produits courants en PVC : couches, chaussures et bottes, textiles imperméables, cuirs synthétiques, jouets, consoles de jeux, encres d’imprimerie, détergents. Ils sont présents dans des matériaux de construction, d’ameublement et de décoration. Ils sont incorporés dans les revêtements en vinyle renforcent l’effet des adhésifs et les pigments de peinture.

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Les cosmétiques sont également concernés : parfums, déodorants, laques, gels, vernis à ongle, lotions après-rasage, lubrifiants. Ils servent alors principalement d’agents fixateurs. Ils sont également présents dans plusieurs médicaments et dans les plombages dentaires. Les phtalates entrent dans la composition des médicaments essentiellement lorsqu’une résorption particulière s’impose (par exemple pour fabriquer des capsules gastro-résistantes). Le matériel hospitalier, notamment les poches de perfusion sont des sources de contamination !


Risques pour la santé : certaines études laissent penser qu’ils sont responsables de certaines malformations congénitales de l’appareil reproducteur masculin
. En 2002, la Food and Drug Administration a mis en garde contre l’exposition au DEHP des bébés de sexe masculin, sur la base des effets constatés sur les animaux de laboratoire. Selon la FDA : « L’exposition au DEHP a produit une série d’effets néfastes chez les animaux de laboratoire, mais les plus préoccupants sont les effets sur le développement du système reproductif mâle et de la production normale de spermatozoïdes chez les jeunes animaux ». La FDA ne dispose pas d’étude concernant l’homme, mais aucune étude ne permet d’exclure des effets similaires. Par précaution, l’exposition à ce produit par des organismes en développement doit être évitée estime la FDA.

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En conclusion : attention !

Depuis plusieurs années, les chercheurs suspectent de nombreux composés chimiques d’être des perturbateurs endocriniens pour l’espèce humaine. Des méta-analyses ont montré le déclin régulier de la qualité du sperme chez l’homme depuis 50 ans, en particulier en Amérique du Nord et en Europe. L’incidence du cancer du testicule augmente depuis plusieurs décennies dans un certain nombre de pays européens. Il y aurait une corrélation entre la présence de perturbateurs endocriniens et les malformations de l’appareil reproducteur, par exemple entre la présence de pesticides et la cryptorchidie ou entre des composés de type bisphénol A ou dioxines et l’hypospadias.

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Chez la femme, on constate des anomalies de la fonction ovarienne, de la fertilité, de la fécondation, de la gestation et de l’implantation utérine. Un avancement de l’âge de la puberté est constaté chez les filles, mais non chez les garçons. Ainsi environ 15 % des fillettes américaines entament leur puberté à 7 ans, selon une étude réalisée ayant porté sur 1 239 enfants américains, publiée en 2010 dans la revue Pediatrics. Les seins des jeunes filles blanches dans 10% des cas commencent à se développer à cet âge et ce taux a doublé depuis 1997. Chez les jeunes filles noires ce sont 23 % des fillettes qui à 7 ans entament leur puberté. En 30 ans, la période de l’enfance a ainsi été abrégée d’un an et demi (alors que la maturité intellectuelle n’a pas suivi cette transformation des corps). Des perturbateurs endocriniens féminisants sont fortement suspectés et certains scientifiques parlent de problèmes d’écologie de la féminité (« The Ecology of Women »).

Les doses auxquelles les effets se manifestent peuvent être faibles : une ingestion par le rat de 20 microgrammes de bisphénol-A, un composé dont les éthers servent à protéger l’intérieur des boîtes de conserve, est suivie d’effets œstrogéniques. Les modulateurs endocriniens peuvent agir in utero : à Seveso, il est apparu une prépondérance des naissances de filles parmi la population contaminées par la dioxine. Le bisphénol-A et le diéthylstilbestrol (DES) provoquent une hypertrophie de la prostate des souris exposées in utero.

Mais ils négligent deux choses importantes :
 
• L’effet cocktail : c’est l’accumulation d’un grand nombre de substances toxiques à faibles doses qui est dangereuse et pas une molécule en particulier14,15.

• L’effet de chronicité : bien sûr vous n’allez pas mourir immédiatement en buvant un verre d’eau du robinet. Mais qu’en est-il à l’échelle d’une vie entière lorsqu’on boit 2 litres d’eau par jour ?

La vérité c’est que personne n’en sait rien !

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Chez les oiseaux contaminés par de faibles doses de DDT et/ou par des PCB, la coquille de l’œuf est amincie, et des anomalies de l’appareil reproducteur et congénitales sont plus fréquentes.

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Les perturbateurs endocriniens sont particulièrement dangereux pour les femmes enceintes, les nourrissons, les jeunes enfants et les adolescents pendant la puberté. Les expositions lors de ce que l’on appelle les « fenêtres critiques de développement » sont à éviter. Durant ces périodes, de petites perturbations du système hormonal peuvent dérégler la mise en place des structures et fonctions de l’organisme. En 2002, à Ufa (Russie), des chercheurs ont montré que les travailleurs d’une usine d’herbicides, contaminés par les dioxines, ont eu des filles dans les deux tiers des cas.

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A écouter aussi : https://mail.google.com/mail/u/0/?tab=wm#inbox/FMfcgxwBVqNrDvNZVPMgpNCdPbcswXvc

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