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« Smart drugs » ou « nootropes » : le dopage intellectuel ?

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Il n’y a pas que dans le sport ou la course à la performance conduit au dopage. La surenchère s’est également propagée, sous une autre forme, chez les étudiants, les hommes d’affaires, les investisseurs et même le personnel hospitalier, pour tenir le coup sous la pression ou augmenter les fonctions du cerveau. Eh oui, la compétition et les exigences de rentabilité au-delà du supportable s’imposent à un nombre croissant de nos contemporains. Alors quand les moyens que nous a donnés la nature ne permettent plus de faire face, certains sont tentés de se « sublimer » avec des substances stimulantes, les « smart drugs », censées améliorer l’endurance psychique et les capacités cognitives ‒ prise de décision, résolution de problèmes, mémorisation, créativité… Que penser de cette tendance de plus en plus visible ?

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Lorsque le film Limitless est sorti sur les écrans en 2011, celui-ci surfait sur la vague des drogues à visées intellectuelles, déjà devenues monnaie courante dans la Silicon Valley, à Wall Street ou dans les grandes universités nord-américaines. Si le produit « NZT » du film est pure fiction (est-ce vraiment certain ?), il a tout de même contribué à propager le fantasme de l’« intelligence augmentée » par la simple prise d’une petite pilule… Et à amplifier un marché qui ne demandait qu’à exploser.

Ainsi donc, après les produits dopants dans le sport tels les stéroïdes ou l’EPO, après les psychotropes à des fins militaires (dérivés de la cocaïne), après les cocktails médicamenteux pour faire la fête entre copains, après le Viagra pour du sexe de champion du monde, sans oublier les drogues psychédéliques (dérivées du LSD) qui ont inspiré nombre de mouvements culturels, voici donc l’ère du dopage cognitif. Avec, en arrière-plan, ce fantasme de puiser dans les 90% de notre cerveau pas encore exploités, selon la croyance populaire.

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                                                                     Fonctionnement du cerveau ?
 

Il n’y a pas que dans le sport ou la course à la performance conduit au dopage. La surenchère s’est également propagée, sous une autre forme, chez les étudiants, les hommes d’affaires, les investisseurs et même le personnel hospitalier, pour tenir le coup sous la pression ou augmenter les fonctions du cerveau. Eh oui, la compétition et les exigences de rentabilité au-delà du supportable s’imposent à un nombre croissant de nos contemporains. Alors quand les moyens que nous a donnés la nature ne permettent plus de faire face, certains sont tentés de se « sublimer » avec des substances stimulantes, les smart drugs, censées améliorer l’endurance psychique et les capacités cognitives ‒ prise de décision, résolution de problèmes, mémorisation, créativité… Que penser de cette tendance de plus en plus visible ?

 

Un usage détourné des médicaments pour le trouble de l’attention ?

Le créateur d’Intel, Gordon Moore, avait prédit en 1965 que la complexité des microprocesseurs doublerait tous les deux ans, ce qui s’est à peu près vérifié jusqu’ici. Cette progression exponentielle de la technologie nous confronte à une quantité d’informations que nous ne sommes déjà plus en mesure de traiter sans le secours des ordinateurs, qu’il s’agisse de la sphère professionnelle ou privée. Alors, les psychostimulants seraient-ils la solution pour dépasser le plafond de verre de notre intelligence biologique face à ce niveau de sollicitation toujours plus exigeant ?

Une partie de la population s’est engouffrée dans cette brèche. Les premiers « expérienceurs » ont détourné des spécialités médicales de leur usage initial, pour l’essentiel des psychostimulants (du type Modiodal®, Provigil®, Concerta®, Adderal®, Ritaline®…) normalement prescrits pour les troubles de l’attention ou la narcolepsie. Ils sont toujours très prisés de nos jours pour leurs effets spectaculaires, rapides et perdurant plusieurs heures, d’autant plus que la pression n’a fait qu’augmenter dans les milieux qui ont vu éclore cette pratique, et s’est même propagée à bien d’autres secteurs depuis !

Smart drugs : de la concentration à l’addiction

Normalement accessibles seulement sur ordonnance, les psychostimulants ne sont pas vraiment considérés par les communautés qui en consomment comme des drogues. Au début, on en prend généralement à des moments critiques, comme la préparation d’un examen ou un épisode professionnel particulièrement stressant. Mais en constatant que les résultats intellectuels sont bien au rendez-vous, la tentation est grande d’en banaliser la prise, d’autant que paradoxalement, elle s’accompagne en général d’un surcroît de calme et de lucidité. Ainsi, avec la hausse exponentielle et en partie abusive des diagnostics des « troubles du déficit de l’attention », et une pression croissante de performance dans le système scolaire, toute une génération de jeunes Américains a été biberonnée en toute légalité avec des molécules parfois proches des amphétamines et arrive aujourd’hui dans un monde du travail qui réclame aussi la performance maximale à chaque instant. Pourquoi lâcheraient-ils une drogue et tous ces bénéfices cognitifs lorsqu’ils peuvent l’utiliser avec toute la bonne conscience adossée au statut de médicament ?

Cependant, certains utilisateurs en sont revenus, car il y a évidemment un revers à la médaille. Jean-Sébastien Fallu, professeur agrégé à l’École de psychoéducation de l’université de Montréal, expert en toxicomanie, suit la question depuis une quinzaine d’années, et observe que s’il y a peu de danger à petite dose, c’est très différent dans le cas d’un usage répété. Il y a un effet addictif incontestable, comme pour une « vraie » drogue. Et quand on arrête pour de bon, il n’est pas rare de mettre plus d’un an pour récupérer son équilibre psychique et ses facultés mentales d’avant les prises !

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Les nootropiques, des psychostimulants sans effets secondaires ?

Mais voilà, nous sommes nombreux à connaitre des difficultés de concentration dans notre travail, à parfois ne plus savoir quoi décider, ou à être saisis plusieurs fois par jour par une lassitude insurmontable. Alors, faut-il préférer aux smart drugs une autre catégorie de stimulants, plus soft ? C’est aujourd’hui la promesse des nootropiques (du grec, « noos » pour esprit et « tropos » pour façonner). Ces nouvelles formulations se distinguent des smart drugs par leur composition, panachage de substances non médicamenteuses comme la L-théanine, le Ginkgo bilobaBacopa monnieri, la créatine, la taurine, etc. Le marketing joue ici à plein et un des leaders du marché américain présente ainsi son produit : « Les grands patrons, financiers de Wall Street, athlètes de haut niveau et scientifiques utilisent ce produit quand ils ont besoin de dominer » !

À regarder de plus près les promesses, on n’est finalement pas très loin de l’effet de certains remèdes adaptogènes qui entraînent souvent à eux seuls un nouvel élan aussi bien sur le plan physique que cérébral, tels leginseng, la rhodiola ou l’éleuthérocoque. On les retrouve d’ailleurs dans certaines recettes, tantôt additionnés de GABA, d’oméga-3, de guarana (vitamine C), de choline, de caféine, de vitamines etc. Après tout, serait-on tenté de penser, si les ingrédients sont effectivement à base de composés naturels, pourquoi pas ? Attention quand même à bien lire toute l’étiquette, car il n’y a pas toujours que ça…

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Avec un zeste d’hygiène de vie

Avoir un cerveau qui fonctionne bien relève aussi d’un mode de vie sain, n’en déplaise aux vendeurs de pilules miracles. Il est démontré en particulier que l’activité physique a une influence favorable sur tout ce qui touche à l’émotionnel, de même que sur la performance intellectuelle. Si certains font le choix de garder leurs réserves d’énergie pour privilégier le « nourrissage » du cerveau et donc ne pas décoller de leur chaise ou de leur canapé, c’est une erreur. Au contraire, il faut se lever régulièrement, faire des exercices d’assouplissement et de respiration pour dynamiser le métabolisme et l’oxygénation.

Une autre mauvaise idée est le recours aux boissons énergisantes (lien vers https://www.alternativesante.fr/sucre/le-soda-un-tueur-comme-un-autre), qui n’ont d’énergisantes que le nom. Car l’un des pires ennemis du cerveau est aussi le principal ingrédient de ces mixtures, à savoir le sucre, qui affecte aussi bien le moral que l’apprentissage et la concentration. À la longue, trop de sucre (et où n’y en a-t-il pas aujourd’hui dans ce que nous avalons ?) favorise la dépression et l’anxiété, et peut-être même Alzheimer… Buvez plutôt de l’eau, au moins un verre toutes les heures, puisqu’il est démontré qu’une déshydratation de seulement 1 % du poids corporel se ressent déjà sur la vigilance et la capacité de concentration.

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Peut-être seulement un début…

Bien sûr, on peut toujours se trouver des raisons de prendre une pilule magique pour être « plus intelligent ». Ça ne demande pas un gros effort, et ça semble payant en termes de résultats (selon les témoignages). Mais à quel prix à longue échéance ? Et puis, est-ce vraiment faire preuve d’une si grande intelligence que de prendre ces dopants dans l’optique d’une meilleure adaptation à un style de vie qui, au bout du compte, ne respecte plus notre humanité ?

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D’après Jean-Pierre Giess  (Article paru dans le journal « Alternative Santé » nº 55)  

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